samedi 21 avril 2012

Le « Plan Nord » : pour qui?

Plusieurs voix s'élèvent contre le projet gouvernemental du Plan Nord. Les Innus de Pessamit, des députés provinciaux, des chambres de commerce, des syndicats dont celui des Métallos, des politiciens, d'ex sous-ministres, des économistes et j'en passe. On peut comprendre qu'un projet de cette envergure puisse rencontrer des difficultés dans sa mise en œuvre et générer du mécontentement chez certains, mais dans le cas qui nous occupe, il semble que les réserves entretenues à son endroit soient en train de se généraliser. Que l'on nous informe, en contrepartie, que les chinois ont besoin de métaux, qu'il y a une demande croissante et que les minières étrangères rêvent de notre Plan Nord, voilà qui n'est pas des plus encourageants. Le Québec, dans le passé, a connu son lot de « ceux qui ont besoin de... » et cela ne s'est pas toujours soldé par un accroissement de la richesse collective des québécois, bien au contraire. On ne parle surtout pas de première et de seconde transformation... on parle de vendre le Québec.

Voilà pourquoi, à la FTQ-Construction, sans pour l'instant condamner l'ensemble du projet, il est de mise de s'interroger sur les intérêts que peuvent entretenir, non seulement les travailleurs et les travailleuses de la construction, mais l'ensemble de notre collectivité en regard de ce projet. Plus particulièrement, les conditions de travail s'appliquant sur les chantiers éloignés se sont négociées et ont évolué au rythme du développement des régions. La FTQ-Construction a d'ailleurs toujours soutenu le développement économique régional. Plus particulièrement, la FTQ-Construction défend les politiques d'embauche régionale, la fourniture de bien et de service locaux lors de l'établissement de chantier. Ces conditions continueront-elles de s'appliquer?

D'autre part, nous devons aussi nous interroger spécifiquement sur ce qu'il en est du Plan Nord dans les faits. C'est la pratique qui intéresse la population et non les multiples déclarations théoriques portant sur un Québec à vendre. D'entrée de jeu, nous devons avouer que la FTQ-Construction entretient, à l'endroit du projet du Plan Nord, bon nombre d'inquiétudes qui reposent sur des éléments concrets. Si ces inquiétudes devaient se concrétiser, ce qui semble être le cas, il faudrait alors s'objecter au Plan Nord en se joignant aux voix discordantes qui se font de plus en plus entendre.

En premier lieu, le gouvernement du Québec, par l'adoption du projet de loi 33 modifiant la Loi[1], vient d'exclure du champ d'application de l'industrie de la construction les travaux se rapportant aux chemins forestiers visés par règlements. Si le gouvernement du Québec procède à la mise en place de cette exclusion, ce n'est certes pas dans le but d'améliorer les conditions de travail et de vie des travailleurs et des travailleuses qui effectuent ces travaux. Disparus, pour eux, le fonds de retraite et les bénéfices d'assurances, terminer le remboursement des frais de transport en ces temps ou le prix de l'essence explose, sans parler des baisses de salaire et des autres conditions liées à l'emploi. Sur simple lettre du Conseil du patronat du Québec, et malgré le fait que les tribunaux nous aient donné raison, la ministre du Travail, madame Thériault, celle qui prétend s'inquiéter pour les travailleurs qui pourraient avoir de la difficulté à payer leur hypothèque en raison de possibles arrêts de travail, les met tout simplement au chômage, ou du moins, voit à baisser leur revenu. Ah, madame la Ministre, répétez après moi : «Cohérence... cohérence quand tu nous tiens... ». Vous ne trouvez pas que l'on nage dans la déraison... ou dans la piscine des amis politiques et des lobbys... S’il y a un autre motif expliquant le « geste humaniste » de la ministre du Travail, quant à l'appauvrissement des travailleurs et des travailleuses de la construction en région, qu'on nous l'explique et nous pourrons comprendre. J'entends : « Sauver l'économie régionale »! Non, malheureusement madame la Ministre, il faut refaire vos calculs. Il en est de même, d'ailleurs, pour l'industrie minière et la machinerie de production en général. La différence de coûts engagés, si les travaux relèvent du champ d'application de notre Loi, n'a aucune mesure avec les milliards de profits qui seront engrangés avec le Plan Nord. Vous doutez de mes sources, madame la ministre du Travail... je ne rapporte que ce que prétend « votre » premier ministre, ne tirez pas sur le messager.

Dans la même veine d'idée, si pour aider l'industrie forestière, les travailleurs et les travailleuses de la construction doivent en venir à abandonner leurs conditions de travail, ces derniers ne devraient-ils pas, en contrepartie, boycotter cette industrie. En effet, l'industrie forestière demande au secteur de la construction de lui venir en aide en favorisant l'inclusion de poutres ou de pièces de bois de toutes sortes dans la construction de bâtiments, mais d'autre part, l'industrie forestière obtient de faire exclure les travailleurs et les travailleurs de la construction de leur industrie que ce soit dans le génie civil ou les travaux relatifs à la machinerie de production. Il en est d'ailleurs de même pour l'industrie minière. Comment doit-on interpréter un geste aussi égoïste? Ah oui, j'oubliais, notre monde de l'économie n'en est pas à son premier discours de sans cœur. Que fera alors le gouvernement du Québec dans le développement du Plan Nord? Continuera-t-il à appauvrir les régions afin d'offrir à, on ne sait à qui, le territoire du Québec? La ministre du Travail poursuivra-t-elle son boulot visant la réduction des salaires et des autres avantages liés à l'emploi dans les autres secteurs d'activité économique afin de mieux asservir la main-d'oeuvre locale au capitalisme étranger ou autres exploiteurs de toutes sortes.

Rappelons que ce n'est pas la première fois qu'un ministre du Travail agit de la sorte. Il y a quelques années à peine, le ministre Laurent Lessard désassujetissait, du secteur de la construction, les travaux relatifs aux bassins de sédimentation au profit de l'industrie minière principalement. Mais quelle coïncidence me direz-vous, il s'agissait aussi de travaux dans le secteur du génie civil. N'est-ce pas dans ce secteur qu'émergent tous les scandales qui éclaboussent le Parti libéral du Québec. Que doit-on en penser? S'il y en avait un, quel était à l'époque le lobby qui faisait pression sur le ministre du Travail? Y avait-il à ce moment des travaux minièers en activité dans le comté électoral de Laurent Lessard  ou liés au Parti Libéral? Étrangement, quand on s'attaque à l'industrie de la construction, on observe qu'il s'agit presque exclusivement de pression exercée par des intervenants du secteur du génie civil ou de type d'entreprises qui œuvrent en région (mines et industries forestières, papetières) qui sont les plus exigeantes à l'endroit de l'industrie de la construction. Encore une fois, que faut-il en penser? Plus encore, madame Thériault a introduit dans le projet de loi 33 une disposition permettant aux donneurs d'ouvrage d'importance, donc aux clients, d'intervenir dans notre processus de négociation. Dorénavant, je ne négocie plus vraiment avec un employeur, mais avec le client de cet employeur. L'entrepreneur en construction verra son rôle se limiter à devenir une courroie de transmission entre le client et le travailleur. Qui va contrôler l'industrie de la construction? Ceux qui nous viendront de l'étranger, les papetières, les minières, l'industrie forestière, la métallurgie, le Plan Nord? En serait-on revenu au temps de Duplessis? Il serait de mise que la ministre du Travail cesse de nous entretenir du placement sur lequel elle fait une fixation, et nous parle plutôt du sort que son gouvernent réserve au territoire du Québec et à sa population.

Au moment où est mis à jour l'existence des cartels dans le secteur de l'asphalte, du béton, des systèmes d'égoûts, donc du secteur du génie civil, alors qu'à ce même moment le gouvernement procède à l'exclusion de la Loi de certains travaux du secteur du génie civil, ne faudrait-il pas s'interroger sur les tenants et aboutissants de ces pratiques? Y aurait-il intérêt, pour ces acteurs de l'ombre, à ce que les mécanismes de contrôle de l'industrie qui sont à se mettre en place, ne s'appliquent pas à ceux-ci en les soustrayant de l'application de la Loi? Une importante commission d'enquête voit actuellement le jour, ne faudrait-il pas la saisir de cet aspect de la gestion de l'état? En agissant de la sorte le gouvernement du Québec sème le doute et nous force à croire qu'il est à livrer son territoire et sa population active, entre les mains des industries minières, papetières et autres. En pareil cas, nous sommes en droit de nous questionner sur l'interaction entre la Loi et ses acteurs.


[1]    Loi sur les relations du travail, la formation et la qualification professionnelle et la gestion de la main d’œuvre dans l'industrie de la construction L.R.Q., c. R-20

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